Le plus grand pilote de rallye de tous les temps, si l’on ne regarde que le palmarès et les statistiques, a remporté dimanche le 90e Rallye Automobile Monte-Carlo, au bout du suspense, avec 10 secondes et 5 dixièmes d’avance sur son grand rival Sébastien Ogier, doublement frappé par la malchance dans les deux dernièrs spéciales: d’abord par une crevaison à l’avant-gauche, dans l’ES16, puis par une pénalité de dix secondes pour départ anticipé dans l’ES17, en raison d’un petit problème technique qui l’a obligé à relâcher l’embrayage un peu trop tôt.
Loeb ne savait pas qu’il avait gagné quand il est sorti de sa Ford Puma à Entrevaux, et la marge est donc infime, après quatre jours d’une bagarre acharnée, intense, entre les deux plus grands champion de l’ère moderne du rallye: 9 titres pour Loeb, 8 pour Ogier, les deux ayant décidé de lever le pied, Loeb il y a 10 ans (dernière saison complète en 2012) et Ogier le mois dernier (8e titre mondial en décembre 2021 au rallye de Monza).
« C’est inespéré, on en attendait pas tant en arrivant ici », a déclaré Loeb en redescendant du podium. « On n’a pas eu de chance, mais c’est le rallye », a dit Ogier, fair-play. Il menait encore de 24 secondes au départ de l’ES16, celle sur laquelle il a crevé son pneu avant-droit, terminant sur la jante et perdant 34 secondes d’un seul coup. Chacun avait pris le départ dans une nouvelle voiture, hybride, et avec un nouveau coéquipier, Benjamin Veillas pour Ogier, Isabelle Galmiche pour Loeb.
C’est la 80e victoire de Loeb en WRC, dont 79 avec Daniel Elena et donc une avec Isabelle Galmiche, une professeure de maths qui a bien profité de son week-end en Ford Puma. Elle a navigué à la perfection un pilote très exigeant, avec lui-même et avec ses copilotes, et elle est donc montée sur un podium historique à plus d’un titre, à côté de Loeb, Ogier, Veillas et d’un autre équipage Ford M-Sport, 100% irlandais, composé de Craig Breen et Paul Nagle.
Car cette victoire est aussi celle de l’équipe M-Sport de Malcolm Wilson, qui avait quasiment fait l’impasse sur la saison 2021 pour mieux préparer l’arrivée de la nouvelle règlementation technique et peaufiner les réglages de cette Ford Puma Hybrid particulièrement bien-née. C’était objectivement la meilleure voiture de cette 1re manche du WRC hybride, au tout début d’une nouvelle ère. Elle a été à la fois la plus rapide, la plus fiable et la plus facile à piloter, ont raconté tous ses pilotes, à commencer par Loeb et Breen, mais aussi le jeune Gus Greensmith, 25 ans, auteur vendredi de son premier temps scratch en WRC.
« On vient de finir un rallye, on verra plus tard s’il y en aura d’autres… », a aussi dit Loeb, 48 ans en février prochain, qui vient d’établir un nouveau record: celui du vainqueur le plus âgé en cinquante saisons de Mondial des rallyes, un peu mieux que le Suédois Bjorn Waldegard au Safari en 1990, à 46 ans et des poussières. « Pour moi, ce ne sera pas tout de suite », a répliqué Ogier, qui souhaite se reconvertir comme pilote d’endurance, sur les circuits. « Mais on va essayer de se caler avec Seb », a-t-il ajouté, ravi d’avoir vécu une « si belle bagarre depuis jeudi », sur les routes du Monte-Carlo, les deux totalisant désormais 8 victoires chacun en Principauté.
Rendez-vous messieurs en 2023 pour la « belle » !